FA14 – La désinvolture de l’art

Couverture du numéro 14 de Figures de l'art

2008, textes réunis par Bernard Lafargue

Dans la préface à la deuxième édition de La Gaya Scienza, Nietzsche célèbre la venue d’un art “göttlich unbehelligte”. Pierre Klossowski traduit heureusement l’expression par “divinement désinvolte”. Délaissant le grand Minotaure Wagner pour le polichinelle Offenbach, et le public religieux de Bayreuth pour celui, facétieux, des Bouffes Parisiens, Nietzsche nous donne à comprendre que le propre de l’art est de savoir rire de lui-même en nous invitant à savoir rire de nous-mêmes, afin de rendre la vie plus belle. Ce faisant, il retrouve le concept de “sprezzata desinvoltura”, que Castiglione forge au début du xvie siècle pour qualifier le mode d’être gracieux, fortuné et “juste” du “parfait courtisan”. À l’image de la peinture, que Léonard vient de délivrer de la case des arts mécaniques pour en faire une “cosa mentale”, un trait d’esprit dans tous les sens du terme, le parfait courtisan est “superficiel par profondeur”. Parfait oxymore, il cache ses gammes en prenant soin de montrer que tout ce qu’il fait est venu sans peine et presque sans y penser; “comme si” c’était un don du ciel ou de la nature. Non pas sur le modèle de la dissimulation, empressée et opportuniste, du Prince de Machiavel, pour lequel la fin (de l’état) justifie les moyens les plus ignobles, mais sur celui de la “pansimu-lation”, nonchalante et intempestive, des artistes renaissants, qui considèrent que les moyens mis en œuvre (dis)qualifient absolument la fin recherchée (la vie belle).

La juste désinvolture ne se moque des forces mortifères de son temps que pour mieux stimuler ses forces vives. C’est pourquoi, elle s’adresse à “tous et à personne”. Le “simple”, le “demi-habile”, et le “mystique”, dont Pascal tire l’échelle d’Il Cortegiano, peuvent bien être éblouis par sa trouble clarté, ils n’y voient que du feu, car ils sont obnubilés par l’esprit de lourdeur. Seul celui qui s’est rendu suffisamment “habile”, et dont le sérieux se moque du sérieux, peut distinguer son “juste milieu” et en jouir. Un ton au-dessus ou au-dessous, et la juste désinvolture vire à l’affectation du cynisme: cynisme par excès de l’Idée qui méprise le monde des apparences au nom d’un “monde vrai”, ou cynisme par défaut de l’apparence qui soumet l’homme au seul règne du divertissement.

  • ISBN : 2-35311-004-5 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PU, Pau
      • Prix : 29€
        • 308 pages

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FA13 – Espaces transfigurés

Couverture du numéro 13 de Figures de l'art

à partir de l’œuvre de George Rousse

2007, textes réunis par Christine Buignet et Dominique Clévenot

La notion d’espace transfiguré est abordée à partir de l’œuvre de Georges Rousse, puis confrontée à une réflexion théorique plus large ainsi qu’à d’autres œuvres et domaines artistiques.

Envisagée en regard du travail de Georges Rousse (une vingtaine d’œuvres reproduites ici, dont trois réalisées lors d’une résidence à l’Université Toulouse-le Mirail, point de départ de ce recueil), la notion d’espace transfiguré fait d’emblée référence à sa démarche : il intervient dans des lieux désaffectés qu’il transforme par un travail de peinture, parfois aussi de construction, afin d’en donner une image photographique singulière. Mais les interprétations possibles de cette notion dépassent la seule approche poïétique. Sont étudiés ici les thèmes de l’apparition, de l’advocation, de la virtualité, de la lumière, de la déconstruction, autant de phénomènes ou de procédures liés à la transfiguration des espaces dans son œuvre.

La question de la transfiguration s’avère toutefois assez délicate dans le contexte artistique contemporain. L’origine religieuse du terme renvoie à une certaine transcendance (voir les études consacrées à l’ornementation architecturale persane et au film Stalker de Tarkovski). Or depuis le ready made duchampien et les boîtes Brillo de Warhol, preuve a été faite que l’art savait s’écarter de toute sacralité, de toute référence à un au-delà. Ainsi pouvons-nous, à la suite d’Arthur Danto (La Transfiguration du banal), concevoir la transfiguration comme effet de la seule structure intentionnelle qui la fait advenir, transformant l’objet en œuvre. Elle est alors étudiée ici en termes philosophiques, esthétiques.

Ces cadres de réflexion posés, l’attention se focalise successivement sur plusieurs types de transfigurations d’espaces : des Nymphéas de Monet aux peaux architecturales de Max Charvolen ; des installations de plumes d’Isa Barbier aux scénographies lumineuses de James Turrell ; des anamorphoses de Felice Varini aux espaces à percevoir ou à expérimenter de Robert Irwin, de Shimon Attie, etc.

Enfin, est abordé le rôle du médium comme transfigurateur, des multiples transfigurations du réel par la photographie à celles induites par le numérique, des nouvelles technologies aux espaces utopiques de l’ère du virtuel.

  • ISBN : 2-35311-003-7 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 28€
        • 308 pages

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FA12 – L’art de l’éphémère

Couverture du numéro 12 de Figures de l'art

2006, textes réunis par Bernard Lafargue

Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, l’Occident a sensiblement basculé dans une culture de l’éphémère, dont la gamme de vaisselle “Éphémère de Lux by Starck” délivre la plus belle effigie. Il s’agit d’une révolution profonde et empreinte de toutes sortes de confusions tragiques et de perspectives hétérotopiques remarquablement fécondes. En quelques décennies, l’“image-flux” est devenue la chose du monde la mieux partagée. Ce nouveau régime d’“images-flux” favorise un goût pour le fugace, le jetable et le transparent, qui transforme le sujet cartésien, marchant avec assurance et certitude dans un monde ordonné selon des idées claires et distinctes légitimées par le Dieu vérace du Nouveau Testament, en un nouvel “homo bulla”, volage et nomade; un éphémère sans arrière-monde de rattrapage.

Comment interpréter une telle révolution? Faut-il penser avec les Cassandre du “No Future” que le monde occidental flotte sur les flux monétaires des actionnaires anonymes d’un Tao de pacotille, et sombre dans le nihilisme du “dernier homme” du Zarathoustra, que mettent en scène des écrivains à succès comme Houellebecq ou Easton Ellis sous la figure d’un pitoyable psychopathe? Ou bien avec les optimistes d’un mondialisme postcolonialiste et multiculturaliste que le chemin des églantines de Méséglise passe, le temps des murailles écoulé, par le chemin des cerisiers de Kyoto, dans un détour propre à concilier la sagesse du kairos à celle du satori?

  • ISBN : 2-908930-98-6 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 26€
        • 267 pages

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FA11 – Les pouvoirs des images

Couverture du numéro 11 de Figures de l'art

2006, textes réunis par Sylviane Leprun

Depuis l’Antiquité un grand nombre d’auteurs attribuent aux images un pouvoir que n’auraient ni les textes ni les paroles, un pouvoir supérieur en efficacité: le pouvoir d’agir sur les pensées et les actes de leurs spectateurs, en dépit de leurs opinions ou de leurs choix personnels, en touchant directement le cœur. Le pouvoir des images serait celui d’une manipulation de la sensibilité, généralement comprise comme une orientation cachée des esprits, et cela dès le plus jeune âge. L’image est, Platon le voit bien, un “pharmakon”, à la fois poison et remède. Pouvoir et influence sont ainsi étroitement mêlés dans l’esprit des critiques comme des amateurs d’images, la séduction des images étant d’autant plus forte qu’elle serait mauvaise et s’exercerait sur un public plus jeune.

Plus encore que l’Ancien Testament, le Coran révèle par ses interdits les enjeux de la crainte des pouvoirs des images; une peur qui ne va pas sans fascination. Seul Dieu créateur, Allãh, a le pouvoir de donner vie. L’homme qui ferait des images de ce qui est ou pourrait être se prendrait pour Dieu. Un sacrilège reposant sur un fantasme! Nonobstant, l’islam a aussi favorisé la création d’images magnifiques, et le débat sur la figuration suscite toujours de nombreuses controverses. C’est pour cela qu’il est tout particulièrement heuristique d’analyser les stratégies dont usent aujourd’hui les artistes “islamiques” pour réaliser des images sans “trop” contrevenir aux préceptes coraniques. On les voit mieux car elles sont écrites en “gros caractères”, pour reprendre la célèbre formule de La République.

Autant de cultures, autant d’images du pouvoir et de pouvoirs des images (poison et remède). Si les images du pouvoir sont partout, elles sont habitées par des puissances qui les débordent. Chaque type d’images met en scène une dominante: religieuse, idéologique, publicitaire ou artistique. Celle-ci met en œuvre un système complexe de figures de rhétorique et de dispositifs plastiques ou visuels, que les chercheurs d’IMAGINES (laboratoire de recherche de l’université Michel de Montaigne, Bordeaux 3) analysent et distinguent très précisément grâce à une approche esthétique nourrie de sciences humaines, dans ce numéro 11 de Figures de l’Art.

  • ISBN : 2-908930-97-8 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 30€
        • 230 pages

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FA10 – L’esthétique, aujourd’hui ?

Couverture du numéro 10 de Figures de l'art

Décembre 2005, textes réunis par Bernard Lafargue

L’esthétique est-elle encore possible aujourd’hui? Aujourd’hui, c’est-à-dire après la fin de l’art, que Friedrich Hegel, dans le Berlin des premières décennies du dix-neuvième siècle, diagnostique comme “romantique” ou “chrétien”, et dont des penseurs aussi divergents qu’Adorno ou Danto prolongent l’agonie d’un petit siècle agonistique de téléologie moderniste, pour le faire se dissoudre dans un pluralisme anesthétique, déceptif ou risible, qui rendrait l’esthétique “dépassée”. Selon la perspective nietzschéenne de l’éternel retour, on peut aussi considérer que la fin de l’art moderne dans les Boîtes Brillo rouvre la boîte de Pandore d’un art pluraliste en son âge cosmopolite et pa(n)ïen, agité par les flux de “devenirs mineuritaires” (Mille Plateaux), et où le fait polémique majeur n’est pas tant l’absence de styles ou de critères que leur nombre infini; ce qui raviverait l’idée d’une esthétique plurielle.

Face au pluralisme inédit de l’art qui s’est fait jour dans les années soixante, l’esthétique est invitée à pratiquer son anabase, par-delà l’Æsthetica de Baumgarten, jusque dans ses sources philosophiques platoniciennes, pour redéfinir ses conditions de possibilité et redimensionner son champ d’investigation.

  • ISBN : 2-908930-94-3 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 28€
        • 313 pages

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FA9 – L’écrit sur l’art : Un genre littéraire

Couverture du numéro 9 de Figures de l'art

2005, textes réunis par Dominique Vaugeois

L’expression “écrits sur l’art” est devenue le terme de référence pour désigner, dans les pratiques universitaires, un corpus d’analyse – la plupart du temps des textes d’écrivains – ou bien classer, dans les pratiques éditoriales, un ensemble de textes, préparant ainsi l’institutionnalisation d’un terme et son fonctionnement “générique”. Néanmoins, ce statut générique ne va pas de soi et mérite d’être examiné. En effet, du point de vue du genre, peut-on placer sur le même plan, ce à quoi nous invitent bien des éditions récentes, les romans d’un écrivain et ses textes sur l’art? Ou, faudrait-il dire, à quelles conditions devient-il pertinent de le faire?

Se demander si l’écrit sur l’art constitue un genre, ce n’est pas succomber à l’obsession de classification qui fit les beaux jours d’une certaine théorie littéraire, ni tenter à toute force d’établir un genre dans les termes mêmes qui fondent, par exemple, le genre romanesque. C’est interroger une existence poétique et essayer peut-être d’approfondir les enjeux d’un domaine d’étude, en réévaluant par la même occasion la notion de genre. C’est aussi saisir, depuis le XVIIIe siècle, le partage de conduites et de stratégies d’écrivains face aux arts plastiques, partage qui permet de penser une continuité susceptible de dessiner les linéaments de l’histoire d’une écriture.

  • ISBN : 2-908930-93-5 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 24€
        • 210 pages

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FA8 – Animaux d’artistes

Couverture du numéro 8 de Figures de l'art

2003-2004, textes réunis par Bernard Lafargue

Pourquoi les animaux jouent-ils un rôle si important dans l’art des cinquante dernières années ? Suivant l’exemple de Joseph Beuys, apprenant à cohabiter avec un coyote américain pour soigner la dermatose qu’il avait contractée dans les camps de jeunesse allemands, d’Hermann Nitsch se baignant dans les entrailles sanglantes des moutons qu’il vient de sacrifier aux morts de la deuxième guerre mondiale ou d’Ana Mendieta revêtant les plumes d’un poulet qu’elle vient de saigner au rythme d’un vaudou cubain, Huang Yong Ping demande à des crapauds, serpents, lézards, scorpions, araignées, mille-pattes, scolopendres, etc… d’être les acteurs du Théâtre du monde qu’il installe au Centre Georges Pompidou, Damien Hirst découpe des vaches et des veaux qu’il expose à côté de requins entiers dans des aquariums remplis de formol, Matthew Barney lance son Cremaster dans des devenirs escargot, bélier, abeilles, bison, poisson, pigeons jacobins, chimères très spéciaux, Oleg Kulik se met à aboyer et mordre en chien cannibale, Patricia Piccinini fabrique des familles d’hybrides heureux et pacifiques qui paraissent en mesure de supprimer les frontières entre les animaux et les humains, les artistes biotech comme Eduardo Kac, Georges Gessert, Joe Davis, Marta de Menezes ou réunis dans des laboratoires comme Art Orienté objet ou SymbioticA/TC&A font de l’ADN leur médium de prédilection afin d’embellir le monde de nouvelles chimères ou de cultiver une viande qui n’ait plus le goût du meurtre, etc. La liste des artistes qui, aujourd’hui, font œuvre avec des animaux, serait infinie.

Suivant les pistes d’Adorno et d’Horkheimer, reprises par Cyrulnik, Serres, Deleuze et Derrida, ces hordes d’animaux chassent “l’animal” du zoo des philosophes idéalistes, comme un concept bête et méchant, dont les camps de concentration nazis aurait révélé les effroyables conséquences. Peut-être ouvrent-elles la voie à des “transgénésariums” païens, propres à chavirer la petite barque à casiers, que Noé avait réussie à mener jusqu’à nous. Les barrières des taxinomistes seraient-elles en passe de perdre leurs barbelés?

Après avoir mis en évidence les fonctions principales de la représentation des animaux dans l’histoire de l’art, c’est à ces nouvelles pratiques artistiques animalières, particulièrement troublantes, que ce huitième numéro de Figures de l’art se consacre.

  • ISBN : 2-908930-88-9 / ISSN : 1265-0692
    • Editeur : PUP, Pau
      • Prix : 30€
        • 433 pages

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FA7 – Artiste/Artisan

Couverture du numéro 7 de Figures de l'art

2002-2003, textes réunis par Bernard Lafargue

Les artistes ont-ils encore besoin de mains ? De Lascaux à Picasso, dont Clouzot suit,fasciné, la main créatrice, il n’est bien sûr d’artiste que manuel, adroit, sinon virtuose. Jusqu’au vingtième siècle, l’histoire de l’art apparaît comme une histoire de savoir-faire, de manuels, de recettes d’atelier, qui se transmettent de maîtres en maîtres. Dans ses Leçons sur les Beaux Arts, Alain le rappelle fermement à ceux qui s’extasient devant le génie de l’artiste inspiré: “Artisan d’abord!”

En lançant la mode de la tabula rasa et du primat du concept, dadaïstes et duchampiens ont-ils poussé les artistes à devenir manchots ? C’est ce que peut nous donner à penser le très grand nombre d’artistes qui, aujourd’hui, dédaignent la main; les uns préférant faire de l’art avec leurs pieds, leur sexe, ou leur corps tout entier, les autres déléguant la fabrication de leurs œuvres à des machines, des entreprises, des artisans, des animaux, des plantes, des choses, des petits riens, du vide, voire à des sortes de nègres.

À côté de ces héritiers du courant “acheiropoiete” de la modernité, le pluralisme postmoderne a ouvert la voie à deux nouveaux types d’artiste-artisan: le designer du beau et “la petite main”. Suivant le modèle de Warhol, le désigner des arts appliqués en tout genre fait une entrée triomphale dans les expositions d’art contemporain. Les maquillages de Topolino, les coiffures de Barnabé, les parures de Patrick Veillet, les robes d’Issey Mikake, Jean-Paul Gauthier, Rei Kawakubo ou Alexander McQueen, le ménager de Philippe Starck ou Gaetano Pesce paradent désormais dans des musées métamorphosés en drugstores à côté des robes de Lucy Orta, Majida Khattari, Marie-Ange Guilleminot ou Aline Ribière, des bijoux de Duprat, des vidéo-performances du mannequin Barney, des modèles de Vanessa Beecroft, des Mickael Jackson en porcelaine polychrome de Jeff Koons, des plats cuisinés de Spoerri etc… comme pour nous donner à croire que les arts décoratifs sont devenus désormais le modèle de la création artistique. L’artiste en “petite main”, quant à lui, préfère chercher son inspiration dans la geste des petits métiers en voie de disparition. Il fait de l’art en faisant de la couture, de la broderie, de la cuisine, des installations bric-à-brac, et même parfois de la peinture, de la sculpture ou de la verrerie.

  • ISBN : 2-87817-094-6 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 39€
        • 516 pages

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FA6 – Anges et chimères du virtuel

Couverture du numéro 6 de Figures de l'art

2001-2002, textes réunis par Bernard Lafargue

Les anges fingunt — se façonnent, fictionnent —, avec l’aide de Dieu, des corps sensibles que l’homme peut voir, toucher, sentir (saint Thomas d’Aquin, Somme). C’est par sua virtute, que l’ange nous paraît parler, manger, marcher, occuper un lieu. Doué de virtus, l’ange déroge aux catégories aristotéliciennes en faisant du possible une puissance réelle, “en acte”. L’ange est, selon Louis Marin (“L’ange du virtuel”, Traverses, 44-45, Septembre 1988, p. 155) un corps virtuel qui “virtualise le monde, les êtres, les corps, les sociétés”.

Les nouvelles technologies du vingtième siècle sont-elles de nouvelles “faiseuses d’anges” ? Les cybernautes volent dans le cyberspace du Village global, parlent Net, “inhabitent” l’E-Mail, font l’amour en pixels. L’épopée cathodique a fait entrer notre corps prothétique dans l’ère du virtuel. Ce n’est plus l’espace et le temps qui sont les formes pures a priori de la sensibilité, mais la téléprésence. Or, à la différence des autres images, “photo-graphiques”, les images de synthèse ne “re-présentent” plus le réel. Comme les anges de saint Thomas, elles le feignent — fingunt —, le simulent. Elles paraissent exister, vivre toutes seules comme des virtus autonomes et responsables. Elles nous voient, nous sentent, nous touchent et réagissent aux mouvements de notre corps. Bientôt, elles se métamorphoseront au gré de nos pensées, de nos humeurs.

Le monde virtuel réalise-t-il une merveilleuse internationale des esprits, selon les vœux de Pierre Lévy, de Marvin Minsky et d’Edmond Couchot ou nous dresse-t-il aux “techniques d’un corps psychotique”, comme le “cassandrisent” Virilio et Baudrillard ? “Absolument modernes” et résolument intempestifs, nombre d’artistes utilisent aujourd’hui les nouvelles technologies pour mieux mettre en question l’impensé philosophico-théologique qu’elles présupposent et les nouvelles techniques du corps qu’elles mettent en œuvre. C’est dans cette perspective, ouverte par Louis Marin, que le VI numéro de Figures de l’art analyse les anges et chimères du virtuel.

  • ISBN : 2-908930-82-X / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 39€
        • 507 pages

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FA5 – L’art des figures

Couverture du numéro 5 de Figures de l'art

2000-2001, textes réunis par Bernard Lafargue

La figure est d’abord le visage peint. Skiagraphia, elle est cette ombre portée de l’amant endormi que cerne amoureusement sur un mur la jeune corinthienne. Si le portrait retient les traits de l’aimé en partance, il porte absence et présence, plaisir et déplaisir. Pour consoler sa fille désamourée, le père potier modèle la figure de l’absent, la cuit et l’installe en imago romaine. En vain, le nouveau lare est un leurre. La légende de Pline résume admirablement l’idéal de la mimésis gréco-romaine, le fantasme de Zeuxis et de Pygmalion. Le fantasme d’une figure qui aurait la perfection du semblant et la chair du réel.

Quelques années plus tard, une autre jeune fille, Véronique, décline la version chrétienne de la figure. Le trompe-l’œil du double dessiné devient l’impression acheiropoiete même du modèle, la vraie image du Christ. Relique d’humeurs et de sang, le suaire replié sous le mandylion est le paradigme de l’art chrétien. Et, sans doute, est-il fécond de retrouver avec Louis Marin, Georges Didi-Huberman ou Daniel Arasse ce travail de figurabilité en toute œuvre d’art, sous la forme d’opaque lieu virtuel, pan, symptôme, sinthome, punctum, fragment ou dettaglio si, toutefois, on n’oublie pas la troisième légende (synthèse hégélienne ?) formulée par Alberti à l’aube de la Renaissance, qui fait de Narcisse au terme pur de sa course le maître du peintre.

Faisant de l’homme son sujet de prédilection, le peintre occidental invente les figures de la liberté humaine. Figures de l’Esprit prenant conscience de lui-même comme Liberté, les figures (de proue) de l’art anticipent l’avenir, artialisent le regard et changent le monde. Or, grand nombre d’œuvres de ces dix dernières années appartiennent à Kunstwollen mutationniste qui dénonce l’obsolescence de la figure humaine faite à l’image d’un Dieu gréco-chrétien et suggèrent de la remplacer par le modèle plus viable du cyborg cybernaute trangénique et cloné…

A l’orée donc d’une nouvelle révolution épistémologique, le cinquième numéro de Figures de l’art se propose de retracer la théogonie de la figure humaine et d’analyser les formes les plus topiques du travail de (dé)figuration et de reconfiguration qui s’exerce avec une ingéniosité intempestive dans les œuvres d’art.

  • ISBN : 2-908930-77-3 / ISSN : 1265-0692
    • Éditeur : PUP, Pau
      • Prix : 39€
        • 497 pages

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