2000-2001, textes réunis par Bernard Lafargue
La figure est d’abord le visage peint. Skiagraphia, elle est cette ombre portée de l’amant endormi que cerne amoureusement sur un mur la jeune corinthienne. Si le portrait retient les traits de l’aimé en partance, il porte absence et présence, plaisir et déplaisir. Pour consoler sa fille désamourée, le père potier modèle la figure de l’absent, la cuit et l’installe en imago romaine. En vain, le nouveau lare est un leurre. La légende de Pline résume admirablement l’idéal de la mimésis gréco-romaine, le fantasme de Zeuxis et de Pygmalion. Le fantasme d’une figure qui aurait la perfection du semblant et la chair du réel.
Quelques années plus tard, une autre jeune fille, Véronique, décline la version chrétienne de la figure. Le trompe-l’œil du double dessiné devient l’impression acheiropoiete même du modèle, la vraie image du Christ. Relique d’humeurs et de sang, le suaire replié sous le mandylion est le paradigme de l’art chrétien. Et, sans doute, est-il fécond de retrouver avec Louis Marin, Georges Didi-Huberman ou Daniel Arasse ce travail de figurabilité en toute œuvre d’art, sous la forme d’opaque lieu virtuel, pan, symptôme, sinthome, punctum, fragment ou dettaglio si, toutefois, on n’oublie pas la troisième légende (synthèse hégélienne ?) formulée par Alberti à l’aube de la Renaissance, qui fait de Narcisse au terme pur de sa course le maître du peintre.
Faisant de l’homme son sujet de prédilection, le peintre occidental invente les figures de la liberté humaine. Figures de l’Esprit prenant conscience de lui-même comme Liberté, les figures (de proue) de l’art anticipent l’avenir, artialisent le regard et changent le monde. Or, grand nombre d’œuvres de ces dix dernières années appartiennent à Kunstwollen mutationniste qui dénonce l’obsolescence de la figure humaine faite à l’image d’un Dieu gréco-chrétien et suggèrent de la remplacer par le modèle plus viable du cyborg cybernaute trangénique et cloné…
A l’orée donc d’une nouvelle révolution épistémologique, le cinquième numéro de Figures de l’art se propose de retracer la théogonie de la figure humaine et d’analyser les formes les plus topiques du travail de (dé)figuration et de reconfiguration qui s’exerce avec une ingéniosité intempestive dans les œuvres d’art.
- ISBN : 2-908930-77-3 / ISSN : 1265-0692
- Éditeur : PUP, Pau
- Prix : 39€
- 497 pages
- Prix : 39€
- Éditeur : PUP, Pau