2003-2004, textes réunis par Bernard Lafargue
Pourquoi les animaux jouent-ils un rôle si important dans l’art des cinquante dernières années ? Suivant l’exemple de Joseph Beuys, apprenant à cohabiter avec un coyote américain pour soigner la dermatose qu’il avait contractée dans les camps de jeunesse allemands, d’Hermann Nitsch se baignant dans les entrailles sanglantes des moutons qu’il vient de sacrifier aux morts de la deuxième guerre mondiale ou d’Ana Mendieta revêtant les plumes d’un poulet qu’elle vient de saigner au rythme d’un vaudou cubain, Huang Yong Ping demande à des crapauds, serpents, lézards, scorpions, araignées, mille-pattes, scolopendres, etc… d’être les acteurs du Théâtre du monde qu’il installe au Centre Georges Pompidou, Damien Hirst découpe des vaches et des veaux qu’il expose à côté de requins entiers dans des aquariums remplis de formol, Matthew Barney lance son Cremaster dans des devenirs escargot, bélier, abeilles, bison, poisson, pigeons jacobins, chimères très spéciaux, Oleg Kulik se met à aboyer et mordre en chien cannibale, Patricia Piccinini fabrique des familles d’hybrides heureux et pacifiques qui paraissent en mesure de supprimer les frontières entre les animaux et les humains, les artistes biotech comme Eduardo Kac, Georges Gessert, Joe Davis, Marta de Menezes ou réunis dans des laboratoires comme Art Orienté objet ou SymbioticA/TC&A font de l’ADN leur médium de prédilection afin d’embellir le monde de nouvelles chimères ou de cultiver une viande qui n’ait plus le goût du meurtre, etc. La liste des artistes qui, aujourd’hui, font œuvre avec des animaux, serait infinie.
Suivant les pistes d’Adorno et d’Horkheimer, reprises par Cyrulnik, Serres, Deleuze et Derrida, ces hordes d’animaux chassent “l’animal” du zoo des philosophes idéalistes, comme un concept bête et méchant, dont les camps de concentration nazis aurait révélé les effroyables conséquences. Peut-être ouvrent-elles la voie à des “transgénésariums” païens, propres à chavirer la petite barque à casiers, que Noé avait réussie à mener jusqu’à nous. Les barrières des taxinomistes seraient-elles en passe de perdre leurs barbelés?
Après avoir mis en évidence les fonctions principales de la représentation des animaux dans l’histoire de l’art, c’est à ces nouvelles pratiques artistiques animalières, particulièrement troublantes, que ce huitième numéro de Figures de l’art se consacre.
- ISBN : 2-908930-88-9 / ISSN : 1265-0692
- Editeur : PUP, Pau
- Prix : 30€
- 433 pages
- Prix : 30€
- Editeur : PUP, Pau